Style et culture: les enjeux des réflexions sur le style dans Humain, trop humain
Présidence : Patrick Wotling
La question de l’art dans Humain, trop humain subit une inflexion qui, sans être la plus marquante, n’en demeure pas moins durable et décisive dans l’évolution de la pensée nietzschéenne. En effet, la quatrième section du premier livre («De l’âme des écrivains et des artistes»), ainsi que de très nombreux aphorismes d’Opinions et sentences mêlées et du Voyageur et son ombre, opèrent une analyse sur l’art et son rôle dans la culture sensiblement différente de la prétendue «métaphysique esthétique» de la Naissance de la tragédie, qui ne se laisse pour autant pas enfermer dans des catégories et des problématiques esthétiques traditionnelles: ce sont ces textes en particulier que nous voudrions étudier, en nous efforçant d’exposer les liens qui les rattachent à l’économie générale du livre, au questionnement sur la culture et ses différents domaines, et de comprendre leur spécificité dans l’évolution esthétique de Nietzsche. Or, de ces aphorismes variés qui semblent davantage composer une critique d’art qu’une philosophie esthétique proprement dite, la question du style s’impose comme le fil conducteur de notre recherche: il s’agit d’évaluer les différentes cultures à l’aune des styles qui les incarnent, des auteurs et artistes qui les représentent, et surtout, au-delà des jugements sur les bons ou mauvais styles, d’interroger les effets posibles des oeuvres d’art sur la civilisation, tout particulièrement ceux de l’écriture. Cette théorie du style, bien comprise dans le sens que Nietzsche ne cessera ensuite de reprendre et d’appliquer concrètement, pourrait nous permettre de cerner plus précisément le(s) style(s) du philosophe et le rôle que celui-ci prétend lui (leur) conférer pour sa tâche civilisationnelle.
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Alexandre Fillon