La question du progrès dans Humain, trop humain
Présidence : Luca Lupo
Humain, trop humain réfléchit sur la question du progrès dans le contexte de la nouvelle «philosophie historique» de Nietzsche. Le progrès, sans être nécessaire, est décrit comme possible: il ne consisterait pas pour les hommes à restaurer un ancien monde, mais à «décider consciemment de poursuivre leur développement vers une nouvelle culture» (§ 24). Ce projet représenterait une articulation cruciale dans l’histoire humaine, dans la mesure où son caractère conscient et méthodique trancherait avec l’évolution essentiellement animale de l’humanité jusqu’alors. Mais on peut se demander de quel point de vue il y aurait alors progression. Car Humain, trop humain montre que le langage du «progrès» est traversé par des conflits de valeurs: les penseurs romantiques et les partisans des Lumières emploient le même mot dans des sens différents (§ 24, § 26), et il existe de multiples manières d’affirmer, de nier ou même d’expliquer la réalité historique du progrès, du darwinisme à l’histoire de l’art (§ 224, § 236). Face à de tels conflits de valeurs, le philosophe peut-il revendiquer une perspective supérieure, ou bien n’est-il qu’un acteur parmi d’autres?
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Emmanuel Salanskis